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le sphinx des glaces

Le lendemain, 31 janvier, de bonne heure, je repoussai les toiles de notre tente…

Quel désappointement !

Partout, des brumes, — non pas de celles que dissolvent les premiers rayons solaires, et qui disparaissent sous l’influence des courants atmosphériques… Non ! mais un brouillard jaunâtre, sentant le moisi, comme si ce janvier antarctique eût été le brumaire de l’hémisphère septentrional. De plus, nous observâmes un abaissement notable de la température, symptôme avant-coureur peut-être de l’hiver austral. Du ciel caligineux suintaient d’épaisses vésicules de vapeurs entre lesquelles se perdait la cime de notre montagne de glace. C’était un brouillard qui ne se résoudrait pas en pluie, une sorte d’ouate appliquée sur l’horizon…

« Fâcheux contretemps, me dit le bosseman, car si nous passions au large d’une terre nous ne pourrions l’apercevoir !

— Et notre dérive ?… demandai-je.

— Elle est plus considérable qu’hier, monsieur Jeorling. Le capitaine a fait donner un coup de sonde, et il n’estime pas la vitesse à moins de trois ou quatre milles.

— Eh bien, qu’en concluez-vous, Hurliguerly ?…

— J’en conclus que nous devons être dans une mer resserrée, puisque le courant y acquiert tant de force… Je ne serais pas étonné que nous eussions la terre tribord et bâbord, à quelque dix ou quinze milles…

— Ce serait donc un large détroit qui couperait le continent antarctique ?…

— Oui… du moins notre capitaine a cette opinion.

— Et, avec cette opinion, Hurliguerly, il ne va pas tenter d’accoster l’une ou l’autre rive de ce détroit ?

— Et comment ?…

— Avec le canot…

— Risquer le canot au milieu de ces brumes ! s’écria le bosseman en se croisant les bras. Y pensez-vous, monsieur Jeorling ?… Est-ce