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le sphinx des glaces

tant que notre ice-berg serait en dérive, car l’embarcation n’aurait pu le gagner de vitesse. Mais, s’il s’échouait une seconde fois, s’il venait à buter contre le littoral d’un continent ou d’une île, que ne feraient pas ces malheureux pour se soustraire aux horreurs de l’hivernage ?…

Tel fut le sujet de notre conversation au dîner de midi. Le capitaine Len Guy et Jem West partagèrent cette opinion qu’aucune tentative ne serait faite par le sealing-master et ses compagnons alors que la masse flottante continuerait à se déplacer. Néanmoins, il convenait que la surveillance ne se relâchât pas un seul instant. Hearne inspirait de trop justes méfiances pour ne pas être tenu en observation à toute heure.

L’après-midi, pendant l’heure de repos accordée à l’équipage, j’eus un nouvel entretien avec Dirk Peters.

J’avais été reprendre ma place habituelle au sommet, tandis que le capitaine Len Guy et le lieutenant étaient descendus à la base de l’ice-berg afin de relever des points de repère sur la ligne de flottaison. Deux fois par vingt-quatre heures, on devait examiner ces points dans le but de déterminer si le tirant d’eau croissait ou décroissait, c’est-à-dire si un exhaussement du centre de gravité ne menaçait pas de provoquer quelque nouveau renversement.

J’étais assis depuis une demi-heure, lorsque j’aperçus le métis qui gravissait les pentes d’un pas rapide.

Venait-il, lui aussi, observer l’horizon jusqu’à son extrême recul, avec l’espoir d’y relever une terre ?… Ou, — ce qui me paraissait plus probable, — désirait-il me communiquer un projet, qui concernait Arthur Pym ?

À peine avions-nous échangé trois ou quatre mots depuis la remise en marche de l’ice-berg.

Lorsque le métis fut arrivé près de moi, il s’arrêta, promena son regard sur la mer environnante, y chercha ce que j’y cherchais moi-même, et ce que je n’y avais point encore trouvé, il ne le trouva pas…