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du 29 décembre au 9 janvier.

l’horizon. La mer s’offrait telle que nous l’avions observée depuis l’îlot Bennet, — sans un seul morceau de glace — et cela s’explique, puisque la température de l’eau marquait 43° (6° 11 C. sur zéro). Le courant, très accentué, – quatre à cinq milles par heure, — se propageait du nord au sud avec une constante régularité.

Des bandes d’oiseaux animaient l’espace, — invariablement les mêmes espèces, alcyons, pélicans, damiers, pétrels, albatros. Toutefois, je dois l’avouer, ces derniers ne présentaient pas les dimensions gigantesques notées dans le journal d’Arthur Pym, et aucun ne poussait ce sempiternel tékéli-li, qui paraissait être d’ailleurs le mot le plus usité de la langue tsalalaise.

Aucun incident à relater pendant les deux jours qui suivirent. On ne signala ni terre ni apparence de terre. Les hommes du bord firent de fructueuses pêches au milieu de ces eaux où pullulaient scares, merluches, raies, congres, dauphins de couleur azurée, et autres sortes de poissons. Les talents combinés d’Hurliguerly et d’Endicott varièrent agréablement le menu du carré et du poste de l’équipage, et je pense qu’il convenait de faire part égale aux deux amis dans cette collaboration culinaire.

Le lendemain, 1er janvier 1840, — encore une année bissextile, — un léger brouillard voila le soleil pendant les premières heures, et nous n’en conclûmes pas que ce fût l’annonce d’un changement dans l’état atmosphérique.

Il y avait alors quatre mois et dix-sept jours que j’avais quitté les Kerguelen, deux mois et cinq jours que l’Halbrane avait quitté les Falklands.

Que durerait cette navigation ?… Ce n’était pas ce qui me préoccupait, mais plutôt de savoir jusqu’où elle allait nous conduire à travers les parages antarctiques.

Je dois reconnaître ici qu’une certaine modification s’était manifestée dans la manière d’être du métis envers moi — sinon, envers le capitaine Len Guy ou les hommes de l’équipage. Ayant, sans