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décision prise.

— Il est très net, capitaine, répondit le bosseman. J’obéirai à vos ordres, quels qu’ils soient !… C’est notre devoir de ne point abandonner William Guy et les autres tant qu’il reste quelque chance de les sauver ! »

Le bosseman s’arrêta un instant, tandis que plusieurs des matelots, Drap, Rogers, Gratian, Stern, Burry, faisaient des signes non équivoques d’approbation.

« Quant à ce qui concerne Arthur Pym… reprit-il.

— Il n’est pas question d’Arthur Pym, répliqua avec une extrême vivacité le capitaine Len Guy, mais de mon frère William… de ses compagnons… »

Et, comme je vis que Dirk Peters allait protester, je lui saisis le bras, et, bien qu’il frémît de colère, il se tut.

Non ! ce n’était pas l’heure de revenir sur le cas d’Arthur Pym. S’en fier à l’avenir, être prêt à profiter des aléas de cette navigation, laisser les hommes s’entraîner eux-mêmes, inconsciemment — ou même instinctivement, — je ne pensais pas qu’il y eût alors d’autre parti à prendre. Toutefois je crus devoir venir en aide à Dirk Peters par des moyens plus directs.

Le capitaine Len Guy avait continué d’interroger l’équipage. Ceux sur lesquels il pourrait compter, il voulait les connaître nominativement. Tous les anciens acquiescèrent à ses propositions, et s’engagèrent à ne jamais discuter ses ordres, à le suivre aussi loin qu’il lui conviendrait.

Ces braves gens furent imités par quelques-unes des recrues, — trois seulement, qui étaient de nationalité anglaise. Néanmoins, le plus grand nombre me parut se ranger à l’opinion de Hearne. Pour eux la campagne de l’Halbrane était terminée à l’île Tsalal. D’où refus de leur part de la continuer au-delà, et demande formelle de remettre le cap au nord, afin de franchir la banquise à l’époque la plus favorable de la saison…

Ils étaient près d’une vingtaine à tenir ce langage, et nul doute que le sealing-master eût interprété leurs véritables sentiments.