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l’îlot bennet.

taine William Guy !… Qu’importait que le temps eût effacé les autres lettres ?… Celles qui restaient ne suffisaient-elles pas à dire le nom du navire et celui de son port d’attache ?… La Jane de Liverpool !…

Le capitaine Len Guy avait pris cette planche entre ses mains, et il y appuya ses lèvres, tandis qu’une grosse larme tombait de ses yeux…

C’était un des débris de la Jane, un de ceux que l’explosion avait dispersés, apporté soit par les contre-courants, soit par un glaçon, jusqu’à cette grève !…

Je laissai, sans prononcer un mot, l’émotion du capitaine Len Guy se calmer.

Quant à Hunt, je n’avais jamais vu un regard si fulgurant s’échapper de ses yeux — ses yeux de faucon étincelants — tandis qu’il observait l’horizon du sud…

Le capitaine Len Guy se releva.

Hunt, toujours muet, plaça la planche sur son épaule, et nous continuâmes notre route…

Lorsque le tour de l’îlot fut achevé, nous fîmes halte à l’endroit où le canot avait été laissé au fond de la baie sous la garde des deux matelots, et, vers deux heures et demie après midi, nous étions rentrés à bord.

Le capitaine Len Guy voulut rester jusqu’au lendemain à ce mouillage, dans l’espérance que les vents du nord ou de l’est viendraient à s’établir. C’était à souhaiter, car pouvait-on songer à faire remorquer l’Halbrane par ses embarcations jusqu’en vue de l’île Tsalal ? Quoique le courant portât de ce côté, surtout pendant le flot, deux jours n’eussent pas suffi à cette traversée d’une trentaine de milles.

L’appareillage fut donc remis au lever du jour. Or, comme une légère brise se déclara vers trois heures après minuit, on put espérer que la goélette atteindrait sans trop de retard le suprême but de son voyage.