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une voix dans un rêve.

À ce propos, le capitaine Len Guy et moi, nous fîmes cette remarque, que, d’après Arthur Pym, le froid avait été excessif pendant cette journée du 10 janvier, l’état atmosphérique très troublé, puisque les rafales du nord-est se succédaient sous forme de neige et de grêle.

Il est vrai, à cette époque, la banquise se dressait au loin vers le sud, — ce qui explique que la Jane ne l’eût pas encore doublée par l’ouest. À s’en rapporter au récit, elle n’y parvint que le 14 janvier. Une mer « où il n’y avait plus un seul morceau de glace » se développait alors jusqu’à l’horizon, avec un courant d’un demi-mille par heure. La température était à trente-quatre degrés (1° 11 C. sur zéro), et ne tarda pas à s’élever à cinquante et un (10° 56 C. sur zéro).

C’était précisément celle dont jouissait l’Halbrane et, comme Arthur Pym, on aurait volontiers dit « que personne n’eût douté de la possibilité d’atteindre le pôle » !

Ce jour-là, l’observation du capitaine de la Jane avait donné 81° 21′ pour la latitude et 42° 5′ pour la longitude. À quelques minutes d’arc près, ce relèvement se trouva être aussi le nôtre dans la matinée du 20 décembre. Nous marchions donc droit sur l’îlot Bennet, et vingt-quatre heures ne s’écouleraient pas sans qu’il eût été visible.

Je n’ai eu aucun incident à relater durant notre navigation en ces parages. Il ne se passa rien de particulier à bord de notre goélette, alors que le journal de la Jane, à la date du 17 janvier, enregistrait plusieurs faits assez curieux. Voici le principal, qui fournit à Arthur Pym et à son compagnon Dirk Peters une occasion de montrer leur dévouement et leur courage.

Vers trois heures de l’après-midi, la vigie avait reconnu la présence d’un banc de glace en dérive, — ce qui prouve que quelques glaçons avaient reparu à la surface de la mer libre. Sur ce banc reposait un animal de taille gigantesque. Le capitaine William Guy fit armer la plus grande des embarcations, dans laquelle prirent