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le sphinx des glaces

degré et demi plus au sud que ne l’avait été la Jane dix-huit jours plus tard. De là cette conclusion que les circonstances, état de la mer, direction du vent, précocité de la belle saison, nous avaient été extrêmement favorables.

Une mer libre — ou tout au moins navigable — s’étendait devant le capitaine Len Guy comme elle s’étendait devant le capitaine William Guy, et, derrière eux, la banquise développait du nord-ouest au nord-est ses énormes masses solidifiées.

En premier lieu, Jem West voulut reconnaître si le courant portait au sud dans ce bras de mer, ainsi que l’indiquait Arthur Pym. Sur son ordre, le bosseman envoya par le fond une ligne de deux cents brasses avec un poids suffisant, et il fut constaté que la direction du courant était la même, — en conséquence très propice à la marche de notre goélette.

À dix heures et à midi, deux observations furent faites avec grande exactitude, le ciel étant d’une extraordinaire pureté. Les calculs donnèrent 74° 45′ pour la latitude, et — ce qui ne pouvait nous surprendre — 39° 15′ pour la longitude.

On le voit, le détour que nous avait imposé le prolongement de la banquise, la nécessité de la doubler par son extrémité orientale, avaient obligé l’Halbrane à se jeter d’environ quatre degrés dans l’est. Son point établi, le capitaine Len Guy fit mettre le cap au sud-ouest, afin de revenir au quarante-troisième méridien, tout en gagnant vers le sud.

Je n’ai point à rappeler ici que les mots matin et soir, dont je me servirai faute d’autres, n’impliquaient ni un lever ni un coucher de soleil. Le disque radieux, décrivant sa spirale ininterrompue au-dessus de l’horizon, ne cessait d’éclairer l’espace. Quelques mois plus tard, il disparaîtrait. Toutefois, durant la froide et sombre période de l’hiver antarctique, le ciel serait presque quotidiennement illuminé par des aurores polaires. Peut-être serions-nous plus tard témoins de ces phénomènes d’une splendeur inexprimable, dont l’influence électrique se manifeste avec tant de puissance !