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le sphinx des glaces

— Aussi Weddell a-t-il pu en doubler l’extrémité, monsieur Jeorling, grâce, je le sais, à des circonstances exceptionnelles de température et de précocité. Or, puisque ces circonstances se présentent cette année, il n’est pas téméraire de dire que nous saurons en profiter.

— Assurément, capitaine. Et maintenant que la banquise est signalée…

— Je vais en rapprocher l’Halbrane autant qu’il se pourra, monsieur Jeorling, puis la lancer à travers la première passe que nous parviendrons à découvrir. S’il ne s’en présente pas, nous essaierons de longer cette banquise jusqu’à son extrémité orientale, avec l’aide du courant qui porte en cette direction, et au plus près, tribord amures, pour peu que la brise se maintienne au nord-est. »

À cingler vers le sud, la goélette rencontra des ice-fields de dimensions considérables. Plusieurs angles, relevés au cercle, avec la base mesurée par le loch, permirent de leur donner de cinq à six cents toises superficielles. Il fallut manœuvrer avec autant de précision que de prudence afin d’éviter d’être bloqué au fond de couloirs dont on ne voyait pas toujours l’issue.

Lorsque l’Halbrane ne se trouva plus qu’à trois milles de la banquise, elle mit en panne au milieu d’un large bassin qui lui laissait toute liberté de mouvement.

Une embarcation fut détachée du bord. Le capitaine Len Guy y descendit avec le bosseman, quatre matelots aux avirons et un à la barre. Elle se dirigea vers l’énorme rempart, y chercha vainement une passe à travers laquelle aurait pu se glisser la goélette, et, après trois heures de cette fatigante reconnaissance, rallia le bord.

Survint alors un grain de pluie neigeuse, qui fit tomber la température à 36° (2°, 22 C. sur zéro) et nous déroba la vue de la banquise.

Il devenait donc indispensable de mettre le cap au sud-est, et de