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« comme un linceul qui s’entrouvre ! »

cusais le capitaine Len Guy de l’être !… Non ! j’avais mal entendu… j’avais mal compris !… Cela n’était que pure extravagance de mon cerveau !…

Et, pourtant, comment récuser ce témoignage trouvé sur le corps du second de la Jane, de ce Patterson, dont le dire si affirmatif s’appuyait de dates certaines ?… Et, surtout, comment conserver un doute, après que Jem West, plus calme, fut parvenu à déchiffrer ces autres lambeaux de phrases :

« Entraîné depuis le 3 juin dans le nord de l’île Tsalal… Là… encore… capitaine William Guy et cinq des hommes de la Jane… Mon glaçon dérive à travers la banquise… nourriture va me manquer… Depuis le 13 juin… épuisé mes dernières ressources… Aujourd’hui… 16 juin… plus rien… »

Ainsi, il y avait près de trois mois que gisait le corps de Patterson à la surface de ce glaçon rencontré sur la route des Kerguelen à Tristan d’Acunha !… Ah ! que n’avions-nous sauvé le second de la Jane !… Il eût pu dire ce qu’on ne savait pas, ce qu’on ne saurait jamais, peut-être, — le secret de cette effrayante aventure !

Enfin, il fallait me rendre à l’évidence. Le capitaine Len Guy, qui connaissait Patterson, venait d’en retrouver le cadavre glacé !… C’était bien lui qui accompagnait le capitaine de la Jane, lorsque, pendant une relâche, il avait enterré cette bouteille aux Kerguelen, et dans cette bouteille cette lettre à l’authenticité de laquelle je refusais de croire !… Oui !… depuis onze années, les survivants de la goélette anglaise étaient là-bas, sans espoir d’être jamais recueillis !…

Alors s’opéra dans mon esprit surexcité le rapprochement de deux noms, qui allait m’expliquer cet intérêt que portait notre capitaine à tout ce qui rappelait l’affaire Arthur Pym.

Len Guy se retourna vers moi, et, me regardant, ne prononça que ces mots :

« Y croyez-vous, maintenant ?…