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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

— N’en doutez pas ! s’écria-t-il. La musique, c’est bien, mais la danse, c’est mieux !

— Parbleu ! repris-je, un Français ne reculera pas devant un Magyar. Sachez que votre sœur m’a accordé la deuxième valse.

— Pourquoi pas la première ?

— La première ?… Mais elle est à Marc de droit et de tradition !… Oubliez-vous donc Marc, et voulez-vous que je me fasse une affaire avec lui ?

— C’est juste, mon cher Vidal. Aux deux fiancés d’ouvrir le bal ! »

L’orchestre des tziganes reparut et s’installa au fond de la galerie. Des tables étaient disposées dans le cabinet du docteur, de telle sorte que les gens à ce point sérieux qu’ils s’interdisaient valses et mazurkas, pourraient se livrer aux plaisirs du jeu.

Or, l’orchestre était prêt à préluder, attendant que le capitaine Haralan lui en donnât le signal, lorsque du côté de la galerie, dont la porte s’ouvrait sur le jardin, se fit entendre une voix lointaine encore, d’une sonorité puissante et rude. C’était un chant étrange, d’un rythme bizarre, auquel la tonalité manquait, des phrases que ne reliait aucun lien mélodique.

Les couples formés pour la première valse s’étaient arrêtés… On écoutait… Ne s’agissait-il pas d’une surprise ajoutée à la soirée ?…

Le capitaine Haralan s’étant approché de moi.

« Qu’est-ce donc ? lui demandai-je.

— Je ne sais, répondit-il d’un ton où perçait une certaine inquiétude.

— D’où vient ce chant ?… De la rue ?…

— Non… je ne crois pas.

En effet, celui dont la voix arrivait jusqu’à nous, devait être dans le jardin, en marche vers la galerie. Peut-être même était-il sur le point d’y entrer.