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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

Vivant, Wilhelm Storitz eût été écartelé par elle. Mort, son cadavre fût épargné. Mais, sans doute, ainsi que l’avait dit M. Stepark, la population ne voudrait pas qu’il fût inhumé comme le commun des mortels. Elle exigerait qu’il fût brûlé en place publique ou précipité dans le Danube, dont les eaux l’emporteraient jusqu’aux lointaines profondeurs de la Mer Noire.

Pendant un quart d’heure, les cris retentirent devant l’hôtel, puis le silence se fit.

Le capitaine Haralan nous dit alors qu’il allait se rendre à la Maison de Ville. Il entendait faire en sorte que l’interrogatoire d’Hermann eût lieu sur-le-champ. Nous l’approuvâmes, et il quitta l’hôtel en compagnie du lieutenant Armgard.

Moi, je restai près de mon frère. Ce que furent ces douloureuses heures passées avec lui !… Je ne pouvais le calmer, et cette surexcitation toujours croissante m’épouvantait. Il m’échappait, je le sentais bien, et je redoutais une crise à laquelle il ne résisterait peut-être pas. Il se refusait à m’entendre. Il ne discutait pas. Il n’avait qu’une idée, une idée fixe : partir à la recherche de Myra.

« Et tu m’accompagneras Henri », disait-il.

Tout ce que je pus obtenir, ce fut que nous attendrions le retour, du capitaine Haralan. Celui-ci ne revint avec son camarade que vers quatre heures. Les nouvelles qu’ils rapportaient étaient les plus mauvaises que nous pussions attendre. L’interrogatoire d’Hermann avait eu lieu, en effet, mais il avait eu lieu inutilement. Le capitaine, M. Stepark, le Gouverneur lui-même, avaient menacé, prié, supplié en vain. En vain on avait offert une fortune au domestique de Storitz, en vain on lui avait annoncé les pires châtiments s’il se refusait à parler. On n’avait rien obtenu. Hermann n’avait pas varié un seul instant. Il ne savait pas où était Myra. L’enlèvement même était inconnu de lui, son maître n’ayant pas cru devoir le mettre au courant de ses projets.

Après trois heures d’efforts et de lutte, il avait fallu se rendre