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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

porte du jardin rapidement ouverte et refermée battit à grand bruit, et nous comprîmes que notre implacable adversaire nous échappait une fois de plus.

Le capitaine Haralan et moi, nous étendîmes mon frère sur un divan, et le docteur Roderich examina sa blessure. Elle n’était pas grave heureusement. La lame du poignard avait glissé sur l’omoplate gauche de haut en bas, et tout se réduisait à une longue estafilade, qui, bien que fort impressionnante d’aspect, n’en serait pas moins guérie en peu de jours. Pour cette fois, l’assassin avait manqué son but. Mais en serait-il toujours ainsi ?

Marc fut pansé, puis transporté à l’hôtel Temesvar, et je m’installai à son chevet, où, tout en le veillant, je m’absorbai dans l’examen du problème posé à ma sagacité et qu’il fallait résoudre coûte que coûte sous peine de mort pour tant d’êtres qui m’étaient chers.

Je n’avais pas encore fait, je le confesse, le premier pas sur le chemin de la solution cherchée, lorsque d’autres événements survinrent, nullement dramatiques ceux-ci, mais plutôt bizarres, incohérents même, et qui me donnèrent fort à penser.

Le soir de ce même jour, 4 juin, une lueur puissante, qui fut aperçue de la place Kurzt et du marché Coloman, apparut à la plus haute fenêtre du beffroi. Une torche enflammée s’abaissait, se relevait, s’agitait, comme si quelque incendiaire eût voulu mettre le feu à l’édifice.

Le chef de police et ses agents, se jetant hors du poste central, atteignirent rapidement les combles du beffroi. La lumière avait disparu, et, comme M. Stepark s’y attendait d’ailleurs, on ne trouva personne. Sur le plancher gisait la torche éteinte d’où une odeur fuligineuse se dégageait, des étincelles résineuses glissaient encore sur la toiture, mais l’incendiaire avait disparu. Ou l’individu — disons Wilhelm Storitz — avait eu le temps de s’enfuir, ou il se dissimulait, introuvable, en un coin du beffroi.