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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

titude qu’on ne pouvait, actuellement du moins, le rencontrer dans les rues de Ragz.

En effet, convoqué le 29 mai par M. Stepark, j’appris de sa bouche que la cérémonie d’anniversaire d’Otto Storitz avait eu lieu, le 25, à Spremberg. La cérémonie avait attiré, paraît-il, un nombre considérable de spectateurs, non seulement la population de Spremberg, mais aussi des milliers de curieux venus des villes voisines et même de Berlin. Le cimetière n’avait pu contenir une telle foule. De là, accidents multiples, quelques personnes étouffées, lesquelles trouvèrent, le lendemain, dans le cimetière une place qu’elles n’avaient pu y trouver ce jour-là.

On ne l’a pas oublié, Otto Storitz avait vécu et était mort en pleine légende. Tous ces superstitieux s’attendaient à quelque prodige posthume. Des phénomènes fantastiques devaient s’accomplir à cet anniversaire. À tout le moins, le savant Prussien sortirait de sa tombe, et il ne serait pas surprenant qu’à ce moment l’ordre universel fût singulièrement dérangé. La terre, modifiant son mouvement sur son axe, se mettrait à tourner de l’Est à l’Ouest, rotation anormale dont les conséquences, amèneraient un bouleversement universel du système solaire !… Etc., etc.

Tels étaient les bruits qui couraient la foule. Toutefois, en dernière analyse, les choses s’étaient passées de la manière la plus régulière. La pierre tombale ne s’était pas soulevée. Le mort n’avait point quitté sa demeure sépulcrale, et la terre avait continué de se mouvoir suivant les règles établies depuis le commencement du monde.

Mais, ce qui nous touchait davantage, c’est que le fils d’Otto Storitz assistait en personne à cette cérémonie. C’était la preuve matérielle qu’il avait effectivement, quitté Ragz. J’espérais, quant à moi, que c’était avec la formelle intention de n’y plus jamais revenir.