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LE SECRET DE WILHELM STORITZ.

— Naturelle, interrompit le capitaine Haralan, mais due à des procédés dont nous n’avons pas le secret.

— Cependant, insistai-je, en ce qui concerne la voix entendue hier, cette voix qui était bien une voix humaine, pourquoi ne serait-ce pas un effet de ventriloquie ?

Le docteur Roderich secouait la tête en homme absolument réfractaire à cette explication.

— Je le répète, dis-je, il n’est pas impossible qu’un intrus ait pénétré dans le salon, avec l’intention de braver le sentiment national des Magyars, de blesser leur patriotisme avec ce Chant de la Haine, venu d’Allemagne.

Après tout, cette hypothèse était plausible, du moment que l’on voulait se tenir dans la limite des faits purement humains. Mais, même en l’admettant, le docteur Roderich avait une réponse très simple à faire, et il la fit en ces termes :

— Si je vous accorde, monsieur Vidal, qu’un mystificateur, ou plutôt un insulteur, a pu s’introduire dans l’hôtel, et que nous ayons été dupes d’une scène de ventriloquie, — ce que je me refuse à croire — que direz-vous du bouquet et du contrat déchirés, de la couronne emportée par une main invisible ?

En effet, attribuer ces deux incidents à quelque escamoteur, si adroit qu’il fût, la raison s’y refusait. Et pourtant, il est de si habiles magiciens !

Le capitaine Haralan d’ajouter :

— Parlez, mon cher Vidal. Est-ce votre ventriloque qui a détruit ce bouquet fleur à fleur, qui a déchiré ce contrat en mille morceaux, qui a enlevé cette couronne, l’a promenée à travers les salons, et l’a emportée comme un voleur ?

Je ne répondis pas.

— Prétendriez-vous, par hasard, reprit-il en s’animant, que nous ayons été victimes d’une illusion ?

Non, assurément, l’illusion n’était pas admissible, le fait s’étant passé devant plus de cent personnes !