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LE PILOTE DU DANUBE.

tout, Ilia Brusch avait-il montré tant d’émotion devant l’injonction du gendarme ? Pourquoi avait-il une telle crainte de voir se rééditer une aventure de ce genre, qu’il sacrifiait à cette crainte l’amour — dont la violence avait bien aussi, d’ailleurs, quelque chose d’excessif — qu’il proclamait avoir pour la solitude ? Un honnête homme, que diable ! n’a pas à redouter si fort une comparution devant un commissaire de police. Le pis qui puisse en résulter, c’est un retard de quelques heures, de quelques jours à la rigueur, et quand on n’est pas pressé… Il est vrai qu’Ilia Brusch était pressé, ce qui ne laissait pas de donner aussi à réfléchir.

Défiant par nature, comme tout bon policier, Karl Dragoch réfléchissait. Mais il avait aussi trop de bon sens pour se laisser égarer par des particularités fugitives, dont l’explication était probablement des plus simples. Il enregistra donc purement et simplement ces petites remarques dans sa mémoire, et appliqua les ressources de son esprit à la solution du problème, plus sérieux celui-là, qu’il s’était posé.

Le projet que Karl Dragoch avait mis à exécution, en s’imposant à Ilia Brusch à titre de passager, n’était pas né tout armé dans son cerveau. Le véritable auteur en était Michael Michaelovitch, qui, d’ailleurs, ne s’en doutait guère. Quand ce Serbe facétieux avait plaisamment insinué, au Rendez-vous des Pêcheurs, que le lauréat de la