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KARL DRAGOCH.

celui-ci eût été fort embarrassé si le pêcheur s’était montré plus curieux, et si, reprenant pour son compte une requête dont il venait d’apprécier le désagrément, il avait, à l’exemple de l’indiscret pandore, demandé à M. Jaeger de lui montrer ses papiers.

Ilia Brusch négligea cette précaution, dont la légitimité lui avait cependant été démontrée, et cette négligence devait avoir pour lui de terribles résultats.

Quel nom le gendarme allemand avait lu sur le passeport que lui présentait M. Jaeger, nul ne le sait ; mais, si ce nom était bien exactement celui du véritable propriétaire du passeport, le gendarme n’avait pu en lire un autre que celui de Karl Dragoch.

Le passionné amateur de pêche et le chef de la police danubienne ne faisaient, en effet, qu’une seule et unique personne. Résolu à s’introduire, coûte que coûte, dans l’embarcation d’Ilia Brusch, Karl Dragoch, prévoyant la possibilité d’une invincible résistance, avait dressé ses batteries en conséquence. L’intervention du gendarme était préparée, et la scène truquée comme une scène de théâtre. L’événement démontrait que Karl Dragoch avait frappé juste, puisque Ilia Brusch considérait maintenant comme une heureuse chance d’avoir, au milieu des dangers qui lui étaient révélés, ce protecteur dont il ne pouvait contester la puissance.

Le succès était même si complet que Dragoch en était troublé. Pourquoi, après