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LE PILOTE DU DANUBE.

— Pourquoi ? Avez-vous cru me rencontrer ailleurs ?

— Vous, non. Mais cette embarcation… Je jurerais l’avoir vue sur le haut fleuve.

— C’est bien possible, répondit Serge Ladko avec indifférence. Je l’ai achetée, il y a trois jours, d’un homme qui disait arriver de Vienne.

— Comment était cet homme ? demanda vivement Striga dont les soupçons évoluaient vers Karl Dragoch.

— Un brun, avec des lunettes.

— Ah !… fit Striga tout songeur.

Les réponses du pilote l’avaient visiblement ébranlé. Il ne savait plus ce qu’il devait croire. Mais il ne tarda pas à libérer son esprit de toute préoccupation. Qu’importait après tout ? Que Serge Ladko dît ou ne dît pas la vérité, il n’en était pas moins entre ses mains. L’imbécile, qui se jetait ainsi dans la gueule du loup !… Entré sur le chaland, il n’en sortirait pas vivant. Voilà des mois que Striga mentait en affirmant à Natcha qu’elle était veuve. Dès qu’on serait en mer, ce mensonge deviendrait une vérité.

— Partons ! dit-il en manière de conclusion à ses pensées.

À midi, répondit tranquillement Serge Ladko qui, sortant des provisions d’un sac qu’il portait à la main, se mit en devoir de déjeuner.

Le pirate eut un geste d’impatience. Serge Ladko feignit de n’en rien voir.