Page:Verne - Le Pilote du Danube, Hetzel, 1920.djvu/324

Cette page a été validée par deux contributeurs.

320
LE PILOTE DU DANUBE.

d’écume, et il est concevable que des chalands plats, peu faits pour les houles du large, hésitent à s’y aventurer.

Il était même fort heureux pour Serge Ladko que le temps restât fixé au beau. Dans une embarcation de si petite taille et de formes si peu marines, il aurait été forcé, pour peu que le vent eût soufflé avec quelque violence, de chercher refuge dans une anfractuosité de la rive.

Karl Dragoch, qui, tout en s’intéressant de grand cœur aux soucis de son compagnon, visait aussi un autre but, ne laissait pas d’être troublé en constatant le désert de cette morne étendue. Titcha ne lui avait-il pas donné un renseignement mensonger ? L’arrêt successif de tous les chalands lui faisait craindre que Striga n’eût été dans la nécessité de les imiter. Son inquiétude devint telle qu’il finit par s’en ouvrir à Serge Ladko.

« Un chaland est-il capable d’aller jusqu’à la mer ? demanda-t-il.

— Oui, répondit le pilote. Cela arrive rarement, mais ça se voit cependant.

— Vous en avez conduit vous-même ?

— Quelquefois.

— Comment font-ils pour décharger leur cargaison ?

— En s’abritant dans une des criques qui existent au delà des bouches, et où des vapeurs viennent les trouver.

— Les bouches, dites-vous. Il y en a plusieurs, en effet.