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AUX SOURCES DU DANUBE.

— Supposez, par exemple, que ce projet de descendre le Danube la ligne à la main lui paraisse louche.

— Louche !… Pourquoi louche ?

— Dame ! ce ne serait pas bête, non plus, pour un filou, de se cacher dans la peau d’un pêcheur, et surtout d’un pêcheur aussi notoire. Une telle célébrité vaut tous les incognitos du monde. On pourrait faire les cent coups à son aise, à la condition de pêcher dans l’intervalle, histoire de donner le change.

— Oui, mais il faudrait savoir pêcher, objecta doctoralement le Président Miclesco, et c’est là un privilège réservé aux honnêtes gens.

Cette observation morale, peut-être un peu hasardeuse, fut frénétiquement applaudie par tous ces passionnés pêcheurs. Michael Michaelovitch profita avec un tact remarquable de l’enthousiasme général.

— À la santé du Président ! s’écria-t-il en levant son verre.

— À la santé du Président ! répétèrent tous les buveurs, en vidant les leurs comme un seul homme.

— À la santé du Président ! répéta un consommateur solitairement attablé, qui, depuis quelques instants, semblait prendre un vif intérêt aux répliques échangées autour de lui.

M. Miclesco fut sensible à l’aimable procédé de cet inconnu, et, pour l’en remercier, il esquissa à son adresse un geste