Page:Verne - Le Pilote du Danube, Hetzel, 1920.djvu/146

Cette page a été validée par deux contributeurs.

142
LE PILOTE DU DANUBE.

dans la cabine, et, quand le pêcheur apparaîtrait, sauter sur lui sans crier gare, quitte à s’expliquer après ?… Non, décidément. Répondre par cette trahison à un tel acte de dévouement, cela lui soulevait le cœur. Mieux valait, au risque de laisser à un coupable une chance de salut, commencer l’enquête en oubliant provisoirement ce qu’il croyait savoir. Si cette enquête le ramenait finalement à Ilia Brusch, si son devoir l’obligeait alors à traiter son sauveur en ennemi, ce serait du moins face à face qu’il le combattrait, et après lui avoir donné le temps de se mettre en défense.

Acceptant du geste toutes les conséquences de sa décision, Karl Dragoch, son parti pris, rentra dans la cabine. Par un mot déposé en évidence il avertit Ilia Brusch de la nécessité où il était de s’absenter, en priant son hôte de l’attendre au moins pendant vingt-quatre heures. Puis il se disposa à partir.

— Combien d’hommes avons-nous ? demanda-t-il en sortant de la cabine.

— Il y en a deux sur place, mais on est en train de battre le rappel. Nous en aurons une dizaine avant ce soir.

— Bien, approuva Karl Dragoch. Ne m’as-tu pas dit que le théâtre du crime n’était pas éloigné ?

— Deux kilomètres à peu près, répondit Ulhmann.

— Conduis-moi », dit Karl Dragoch en sautant sur la rive.