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en suivant la côte.

— Eh bien, mon lieutenant, il ne nous reste plus qu’à partir pour le cap Bathurst », dit simplement le sergent.

Mais, un jour de repos ayant été accordé, le départ n’eut lieu que le lendemain, 6 juin.

Cette seconde partie du voyage devait être et fut effectivement toute différente de la première. Les dispositions qui réglaient jusqu’ici la marche des traîneaux n’avaient pas été maintenues. Chaque attelage allait à sa guise. On marchait à petites journées, on s’arrêtait à tous les angles de la côte, et le plus souvent on cheminait à pied. Une seule recommandation avait été faite à ses compagnons par le lieutenant Hobson, — la recommandation de ne pas s’écarter à plus de trois milles du littoral et de rallier le détachement deux fois par jour, à midi et le soir. La nuit venue, on campait. Le temps, à cette époque, était constamment beau, et la température assez élevée, puisqu’elle se maintenait en moyenne à 59 degrés Fahrenheit au-dessus de zéro (15° centigr. au-dessus de zéro). Deux ou trois fois, de rapides tempêtes de neige se déclarèrent, mais elles ne durèrent pas, et la température n’en fut pas sensiblement modifiée.

Toute cette partie de la côte américaine comprise entre le cap Kruzenstern et le cap Parry, qui s’étend sur un espace de plus de deux cent cinquante milles, fut donc examinée avec un soin extrême, du 6 au 20 juin. Si la reconnaissance géographique de cette région ne laissa rien à désirer, si Jasper Hobson, — très heureusement aidé dans cette tâche par Thomas Black, — put même rectifier quelques erreurs du levé hydrographique, les territoires avoisinants furent non moins bien observés à ce point de vue plus spécial, qui intéressait directement la Compagnie de la baie d’Hudson.

En effet, ces territoires étaient-ils giboyeux ? Pouvait-on compter avec certitude sur le gibier comestible non moins que sur le gibier à fourrure ? Les seules ressources du pays permettraient-elles d’approvisionner une factorerie, au moins pendant la saison d’été ? Telle était la grave question que se posait le lieutenant Hobson, et qui le préoccupait à bon droit. Or, voici ce qu’il observa.

Le gibier proprement dit, — celui auquel le caporal Joliffe, entre autres, accordait une préférence marquée, — ne foisonnait pas dans ces parages. Les volatiles, appartenant à la nombreuse famille des canards, ne manquaient pas, sans doute, mais la tribu des rongeurs était insuffisamment représentée par quelques lièvres polaires, qui ne se laissaient que difficilement approcher. Au contraire, les ours devaient être assez nombreux sur cette portion du continent américain. Sabine et Mac Nap avaient souvent relevé des traces fraîchement laissées par ces carnassiers. Plusieurs même