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un hivernage dans les glaces.

André Vasling ne s’en occupa donc pas, et, suivi d’Herming, il vint au secours de Jocki ; mais Jocki, saisi entre les pattes de l’ours, fut broyé, et quand l’animal tomba sous les coups d’André Vasling et d’Herming, qui déchargèrent sur lui leurs pistolets, il ne tenait plus qu’un cadavre entre ses pattes.

« Nous ne sommes plus que deux, dit André Vasling d’un air sombre et farouche ; mais si nous succombons, ce ne sera pas sans vengeance ! »

Herming rechargea son pistolet, sans répondre. Avant tout, il fallait se débarrasser du troisième ours. André Vasling regarda du côté de l’avant et ne le vit pas. En levant les yeux, il l’aperçut debout sur le bastingage et grimpant déjà aux enfléchures, pour atteindre Louis Cornbutte. André Vasling laissa tomber son fusil qu’il dirigeait sur l’animal, et une joie féroce se peignit dans ses yeux.

« Ah ! s’écria-t-il, tu me dois bien cette vengeance-là ! »

Cependant Louis Cornbutte s’était réfugié dans la hune de misaine. L’ours montait toujours, et il n’était plus qu’à six pieds de Louis, quand celui-ci épaula son fusil et visa l’animal au cœur.

De son côté, André Vasling épaula le sien pour frapper Louis si l’ours tombait.

Louis Cornbutte tira, mais il ne parut pas que l’ours eût été touché, car il s’élança d’un bond sur la hune. Tout le mât en tressaillit.

André Vasling poussa un cri de joie.

« Herming ! cria-t-il au matelot norwégien, va me chercher Marie ! Va me chercher ma fiancée ! »

Herming descendit l’escalier du logement.

Cependant, l’animal furieux s’était précipité sur Louis Cornbutte, qui chercha un abri de l’autre côté du mât ; mais, au moment où sa patte énorme s’abattait pour lui briser la tête, Louis Cornbutte, saisissant l’un des galhaubans, se laissa glisser jusqu’à terre, non pas sans danger, car, à moitié chemin, une balle siffla à ses oreilles. André Vasling venait de tirer sur lui et l’avait manqué. Les deux adversaires se retrouvèrent donc en face l’un de l’autre, le coutelas à la main.

Ce combat devait être décisif. Pour assouvir pleinement sa vengeance, pour faire assister la jeune fille à la mort de son fiancé, André Vasling s’était privé du secours d’Herming. Il ne devait donc plus compter que sur lui-même.

Louis Cornbutte et André Vasling se saisirent chacun au collet, et se tinrent de façon à ne pouvoir plus reculer. Des deux l’un devait tomber mort. Ils se portèrent de violents coups, qu’ils ne parèrent qu’à demi, car le sang coula bientôt de part et d’autre. André Vasling cherchait à jeter son bras droit autour du cou de son adversaire pour le terrasser. Louis Cornbutte, sachant que celui qui