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— Marthe, répondit-il, vous savez si je vous aime !… Mais vous êtes Française, et je n’ai pas le droit de faire de vous une Allemande, une ennemie de…

— Jean, répondit Mlle Marthe, moi aussi, je vous aime !… Rien de ce qui arrivera dans l’avenir ne changera mes sentiments !… Je vous aime… je vous aimerai toujours !

— Marthe, s’écria M. Jean, qui était tombé à ses pieds, chère Marthe, vous entendre parler ainsi, et ne pouvoir vous dire : Oui ! demain nous irons au temple !… Demain vous serez ma femme, et rien ne nous séparera plus !… Non !… c’est impossible !…

— Jean, dit M. de Lauranay, ce qui semble impossible maintenant…

— Ne le sera pas plus tard ! s’écria M. Jean. Oui, monsieur de Lauranay !… Cette guerre odieuse finira !… Alors, Marthe, je vous retrouverai !… Je pourrai sans remords devenir votre mari !… Ah ! que je souffre !… »

Et le malheureux, qui s’était relevé, chancelait, presque au point de tomber.

Mlle Marthe revint à lui, et là, d’une voix que l’on sentait pleine de tendresse :

« Jean, reprit-elle, je n’ai qu’une chose à vous dire !… En n’importe quel temps vous me retrouverez telle que je suis aujourd’hui !… Je comprends le sentiment qui vous fait un devoir d’agir ainsi !… Oui ! je le vois, il y a, en ce moment, un abîme entre nous !… Mais, je vous le jure devant Dieu, si je ne suis pas à vous, je ne serai jamais à personne… Jamais ! »

Dans un mouvement irrésistible, Mme Keller avait attiré Mlle Marthe dans ses bras.

« Marthe !… dit-elle, ce que fait mon fils le rend encore plus digne de toi ! Oui… plus tard… non plus dans ce pays, d’où je voudrais être sortie déjà, mais en France… nous nous reverrons !… Tu deviendras ma fille… ma vraie fille !… Et c’est toi qui me feras pardonner par mon fils… s’il est Allemand ! »