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responsables de l’invasion qui menaçait la France, la Commission de l’Assemblée décida que toute la nation serait en armes, et qu’elle agirait d’elle-même, sans que le gouvernement eût à intervenir.

Et que faudrait-il pour que l’élan se produisît ? Une formule solennelle, une déclaration qui serait faite par le corps législatif : « La patrie est en danger ! »

Voilà ce que nous apprîmes quelques jours après la rentrée de M. Jean, et cela provoqua une agitation extraordinaire.

Ces nouvelles s’étaient propagées le 23, au matin. À chaque heure, on pouvait apprendre que la Prusse avait répondu à la France par une déclaration de guerre. Il se faisait un mouvement énorme dans tout le pays. Des courriers, des estafettes, passaient ventre à terre à travers la ville. Des ordres s’échangeaient continuellement entre les corps de troupe en marche vers l’ouest et ceux qui venaient de l’est de l’Allemagne. On disait aussi que les Sardes devaient se joindre aux Impériaux, qu’ils s’avançaient déjà et menaçaient la frontière. Malheur ! Ce n’était que trop vrai !

Ces choses jetèrent les Keller et les Lauranay dans une inquiétude extrême. Personnellement, ma position devenait de plus en plus difficile. Tous le sentaient, et, si je n’en parlais pas, c’est que je ne voulais point ajouter aux ennuis qui tourmentaient déjà les deux familles.

En somme, il n’y avait pas de temps à perdre. Puisque le mariage était convenu, il fallait le célébrer sans retard.

C’est ce qui fut résolu le jour même, et d’urgence.

D’un commun accord, on s’arrêta à la date du 29. Ce délai suffirait à remplir les formalités, qui étaient très simples à l’époque. La cérémonie se ferait au temple, devant les témoins obligés, choisis parmi les personnes en rapport avec les familles Keller et de Lauranay. Je devais être l’un de ces témoins. Quel honneur pour un maréchal des logis !

Ce qui fut également décidé, c’est qu’on agirait aussi secrètement que possible. On ne dirait rien de ce qui allait se faire, si ce n’est aux