Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et alors, trois armées furent organisées dans l’Est, de manière à pouvoir se donner la main.

Le comte de Rochambeau, mon ancien général, alla prendre dans les Flandres, le commandement de l’armée du Nord, Lafayette, celui de l’armée du centre, à Metz, et Luckner, celui de l’armée d’Alsace, — en tout deux cent mille hommes environ, tant sabres que baïonnettes. Quant aux émigrés, pourquoi auraient-ils renoncé à leurs projets, obéi aux sommations du roi, puisque Léopold d’Autriche se préparait à leur venir en aide ?

Tel était l’état des choses en 91. Voici ce qu’il était en 92.

En France, les Jacobins, Robespierre à leur tête, s’étaient vigoureusement prononcés contre la guerre. Les Cordeliers les soutenaient, ayant crainte de voir surgir une dictature militaire. Au contraire, les Girondins, par la voix de Louvet et de Brissot, demandaient cette guerre à tout prix, afin de mettre le roi dans l’obligation de dévoiler ses intentions.

C’est alors qu’apparut Dumouriez, qui avait commandé en Vendée et en Normandie. Il fut appelé pour mettre son génie militaire et politique au service du pays. Il accepta et forma aussitôt un plan de campagne : guerre à la fois offensive et défensive. Avec lui, on était sûr que les choses ne traîneraient pas.

Jusqu’alors, cependant, l’Allemagne n’avait aucunement bougé. Ses troupes ne menaçaient pas la frontière française, et même elle répétait que rien n’eût été plus dommageable pour l’intérêt de l’Europe.

Sur ces entrefaites, Léopold d’Autriche mourut. Que ferait son successeur ? Serait-il partisan de la modération ? Non, et une note parut à Vienne, qui exigeait le rétablissement de la monarchie sur les bases de la déclaration royale de 89.

Comme on le pense bien, la France ne pouvait se soumettre à une semblable injonction qui dépassait les bornes. L’effet de cette note fut considérable dans tout le pays. Louis XVI dut proposer à l’Assemblée nationale de déclarer la guerre à François Ier roi de Hongrie