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le chancellor.

En effet, les mutins sont alors refoulés à l’avant du radeau. Robert Kurtis, après avoir esquivé les coups que lui porte Owen, vient de saisir une hache, et, levant la main, il frappe.

Mais Owen se jette de côté, et la hache atteint Wilson en pleine poitrine. Le misérable tombe à la renverse, hors du radeau, et disparaît.

« Sauvez-le ! sauvez-le ! dit le bosseman.

— Il est mort ! répond Daoulas.

— Eh ! c’est pour cela !… » s’écrie le bosseman, sans achever sa phrase.

Mais la mort de Wilson termine la lutte. Flaypol et Burke, au dernier degré de l’ivresse, sont couchés sans mouvement, et nous nous précipitons sur Jynxtrop, qui est amarré solidement au pied du mât.

Quant à Owen, il a été maîtrisé par le charpentier et le bosseman. Robert Kurtis s’approche alors et lui dit :

« Prie Dieu, car tu vas mourir !

— Vous avez donc bien envie de me manger ! » répond Owen avec une insolence sans égale.

Cette atroce réponse lui sauve la vie. Robert Kurtis rejette la hache qu’il a déjà levée sur Owen, et, tout pâle, il va s’asseoir à l’arrière du radeau.

xxxix

— 5 et 6 janvier. — Cette scène nous a profondément impressionnés. La réponse d’Owen, étant données les circonstances, est faite pour accabler les plus énergiques.

Dès que mon esprit a repris quelque calme, j’ai vivement remercié le jeune Letourneur, dont l’intervention m’a sauvé la vie.

« Vous me remerciez, répond-il, quand vous devriez peut-être me maudire !

— Vous, André !

— Monsieur Kazallon, je n’ai fait que prolonger vos misères !

— Il n’importe, monsieur Letourneur, dit alors miss Herbey, qui s’est approchée, vous avez fait votre devoir ! »

Toujours le sentiment du devoir qui soutient cette jeune fille ! Elle est amaigrie par les privations ; ses vêtements, déteints par l’humidité, déchirés par les