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« Viens… viens… ou je m’en vais ! gémit le docteur, qui parvint à se remettre sur ses pieds.

— Va-t’en ! » répondit Nic Deck.

Et il continua de s’élever lentement le long de la chaîne du pont-levis.

Le docteur Patak, au paroxysme de l’effroi, voulut alors regagner le raidillon de la contrescarpe, afin de remonter jusqu’à la crête du plateau d’Orgall et de reprendre à toutes jambes le chemin de Werst…

Ô prodige, devant lequel s’effaçaient ceux qui avaient troublé la nuit précédente ! — voici qu’il ne peut bouger… Ses pieds sont retenus comme s’ils étaient saisis entre les mâchoires d’un étau… Peut-il les déplacer l’un après l’autre ?… Non !… Ils adhèrent par les talons et les semelles de leurs bottes… Le docteur s’est-il donc laissé prendre aux ressorts d’un piège ?… Il est trop affolé pour le reconnaître… Il semble plutôt qu’il soit retenu par les clous de sa chaussure.

Quoi qu’il en soit, le pauvre homme est immobilisé à cette place… Il est rivé au sol… N’ayant même plus la force de crier, il tend désespérément les mains… On dirait qu’il veut s’arracher aux étreintes de quelque tarasque, dont la gueule émerge des entrailles de la terre…

Cependant, Nic Deck était parvenu à la hauteur de la poterne, et il venait de poser sa main sur l’une des ferrures où s’emboîtait l’un des gonds du pont-levis…

Un cri de douleur lui échappa ; puis, se rejetant en arrière comme s’il eût été frappé d’un coup de foudre, il glissa le long de la chaîne qu’un dernier instinct lui avait fait ressaisir, et roula jusqu’au fond du fossé.

« La voix avait bien dit qu’il m’arriverait malheur ! » murmura-t-il, et il perdit connaissance.