— À quoi voyez-vous cela ?
— À la laine de mes moutons, qui est rêche et sèche comme un cuir tanné.
— Alors ce sera tant pis pour ceux qui arpentent les grandes routes…
— Et tant mieux pour ceux qui seront restés sur la porte de leur maison.
— Encore faut-il posséder une maison, pasteur.
— Avez-vous des enfants ? dit Frik.
— Non.
— Êtes-vous marié ?
— Non. »
Et Frik demandait cela parce que, dans le pays, c’est l’habitude de le demander à ceux que l’on rencontre.
Puis, il reprit :
« D’où venez-vous, colporteur ?…
— D’Hermanstadt. »
Hermanstadt est une des principales bourgades de la Transylvanie. En la quittant, on trouve la vallée de la Sil hongroise, qui descend jusqu’au bourg de Petroseny.
« Et vous allez ?…
— À Kolosvar. »
Pour arriver à Kolosvar, il suffit de remonter dans la direction de la vallée du Maros ; puis, par Karlsburg, en suivant les premières assises des monts de Bihar, on atteint la capitale du comitat. Un chemin d’une vingtaine de milles[1] au plus.
En vérité, ces marchands de thermomètres, baromètres et patraques, évoquent toujours l’idée d’êtres à part, d’une allure quelque peu hoffmanesque. Cela tient à leur métier. Ils vendent le temps sous toutes ses formes, celui qui s’écoule, celui qu’il fait, celui qu’il fera, comme d’autres porteballes vendent des paniers, des tri-
- ↑ Environ 150 kilomètres.