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En effet, depuis cinq ans, le dernier descendant de la famille de Gortz, le baron Rodolphe avait disparu, et ce qu’il était devenu, personne ne l’avait jamais pu savoir. Sans doute, le bruit s’était répandu qu’il était mort, quelque temps après son départ de Naples. Mais qu’y avait-il de vrai ? Quelle preuve avait-on de cette mort ? Peut-être le baron de Gortz vivait-il, et, s’il vivait, pourquoi ne serait-il pas retourné au château de ses ancêtres ? Pourquoi Orfanik, le seul familier qu’on lui connût, ne l’y aurait-il pas accompagné, et pourquoi cet étrange physicien ne serait-il pas l’auteur et le metteur en scène de ces phénomènes qui ne cessaient d’entretenir l’épouvante dans le pays ? C’est précisément ce qui faisait l’objet des réflexions de Franz.

On en conviendra, cette hypothèse paraissait assez plausible, et, si le baron Rodolphe de Gortz et Orfanik avaient cherché refuge dans le burg, on comprenait qu’ils eussent voulu le rendre inabordable, afin d’y mener la vie d’isolement qui convenait à leurs habitudes.

Or, s’il en était ainsi, quelle conduite le jeune comte devait-il adopter ? Était-il à propos qu’il cherchât à intervenir dans les affaires privées du comte de Gortz ? C’est ce qu’il se demandait, pesant le pour et le contre de la question, lorsque Rotzko vint le rejoindre sur la terrasse.

Il jugea à propos de lui faire connaître ses idées à ce sujet :

« Mon maître, répondit Rotzko, il est possible que ce soit le baron de Gortz qui se livre à toutes ces imaginations diaboliques. Eh bien ! si cela est, mon avis est qu’il ne faut point nous en mêler. Les poltrons de Werst se tireront de là comme ils l’entendront, c’est leur affaire, et nous n’avons point à nous inquiéter de rendre le calme à ce village.

— Soit, répondit Franz, et, tout bien considéré, je pense que tu as raison, mon brave Rotzko.

— Je le pense aussi, répondit simplement le soldat.

— Quant à maître Koltz et aux autres, ils savent comment s’y