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premières étapes.

à craindre qu’elle fût plus désagréable que la saison chaude. Après tout, dans les conditions où s’opérait notre voyage, nous n’avions rien de grave à redouter.

Vers une heure de l’après-midi, après une délicieuse promenade au petit pas, qui s’était faite sans sortir de notre maison, nous sommes arrivés à Chandernagor.

J’avais déjà visité ce coin de territoire, — le seul qui reste à la France dans toute la présidence du Bengale. Cette ville, abritée par le drapeau tricolore et qui n’a pas le droit d’entretenir plus de quinze soldats pour sa garde personnelle, cette ancienne rivale de Calcutta pendant les luttes du XVIIIe siècle, est aujourd’hui bien déchue, sans industrie, sans commerce, ses bazars abandonnés, son fort vide. Peut-être Chandernagor aurait-elle repris quelque vitalité, si le railway d’Allahabad eût traversé ou tout au moins longé ses murs ; mais, devant les exigences du gouvernement français, la compagnie anglaise a dû faire obliquer sa voie, de manière à contourner notre territoire, et Chandernagor a perdu là l’unique occasion de retrouver quelque importance commerciale.

Notre train n’entra donc pas dans la ville. Il s’arrêta à trois milles, sur la route, à l’entrée d’un bois de lataniers. Lorsque le campement eut été organisé, on aurait dit un commencement de village qui venait se fonder en cet endroit. Mais le village était mobile, et, dès le lendemain, 7 mai, il reprenait sa marche interrompue, après une nuit calme, passée dans nos confortables cabines.

Pendant cette halte, Banks avait fait renouveler le combustible. Bien que la machine eût peu consommé, il tenait à ce que le tender portât toujours sa pleine charge, c’est-à-dire, en eau, en bois ou en charbon, de quoi marcher pendant soixante heures.

Cette règle, le capitaine Hod et son fidèle Fox ne manquaient pas de l’appliquer à eux-mêmes, et leur foyer intérieur, — je veux dire leur estomac, qui offrait une grande surface de chauffe, — était toujours muni de ce combustible azoté, indispensable pour faire marcher bien et longtemps la machine humaine.

Cette fois, l’étape devait être plus longue. Nous allions voyager deux jours, nous reposer deux nuits, de manière à atteindre Burdwan et à visiter cette ville pendant la journée du 9.

À six heures du matin, Storr donnait un coup de sifflet aigu, purgeait