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le passage de la betwa.

« Il est allé sans doute renouveler connaissance avec quelqu’un de ses anciens compagnons, dit le colonel Munro, mais il nous rejoindra avant le départ. »

Rien de plus naturel. Aussi n’y avait-il pas à s’inquiéter de l’absence momentanée de l’Indou ; et, cependant, à part moi, elle ne laissa pas de me préoccuper.

« Eh bien, dit alors Banks, si je ne me trompe, ce taureau, dans les caravanes de Banjaris, est le représentant de leur divinité. Par où il va, on va. Quand il s’arrête, on campe, mais j’imagine bien qu’il obéit secrètement aux injonctions du naik. Bref, c’est en lui que se résume toute la religion de ces nomades. »

Ce ne fut que deux heures après le commencement du défilé, que nous commençâmes à apercevoir la fin de cet interminable cortège. Je cherchais Kâlagani dans l’arrière-garde, lorsqu’il parut, accompagné d’un Indou qui n’appartenait pas au type banjari. Sans doute, c’était un de ces indigènes qui louent temporairement leurs services aux caravanes, ainsi que l’avait fait plusieurs fois Kâlagani. Tous deux causaient froidement, à mi-lèvres, pourrait-on dire. De qui ou de quoi parlaient-ils ? Probablement du pays que venait de traverser la tribu en marche, — pays dans lequel nous allions nous engager sous la direction de notre nouveau guide.

Cet indigène, qui était resté à la queue de la caravane, s’arrêta un instant en passant devant Steam-House. Il observa avec intérêt le train précédé de son éléphant artificiel, et il me sembla qu’il regardait plus particulièrement le colonel Munro, mais il ne nous adressa pas la parole. Puis, faisant un signe d’adieu à Kâlagani, il rejoignit le cortège et eut bientôt disparu dans un nuage de poussière.

Lorsque Kâlagani fut revenu près de nous, il s’adressa au colonel Munro sans attendre d’être interrogé :

« Un de mes anciens compagnons, qui est depuis deux mois au service de la caravane, » se contenta-t-il de dire.

Ce fut tout. Kâlagani reprit sa place dans notre train, et bientôt Steam-House courait sur la route, frappée de larges empreintes par le sabot de ces milliers de bœufs.

Le lendemain, 24 septembre, le train s’arrêtait pour passer la nuit à cinq ou six kilomètres dans l’est d’Ourtcha, sur la rive gauche de la Betwa, l’un des principaux tributaires de la Jumna.