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la maison à vapeur.

deux cent cinquante milles carrés de bon sol ont dû rester en friche ! Eh bien, ici, pour peu que cela continue, ce sera la province entière qu’il faudra abandonner !

– Vous avez employé tous les moyens de destruction possibles contre cette tigresse ? demanda Banks.

– Tous, monsieur l’ingénieur, pièges, fosses, même les appâts préparés à la strychnine ! Rien n’a réussi !

– Mon ami, dit le capitaine Hod, je n’affirme pas que nous arriverons à vous donner satisfaction, mais nous ferons de notre mieux ! »

Dès que notre installation à Souari eut été achevée, une battue fut organisée le jour même. À nous, à nos gens, aux chikaris du kraal, se joignirent une vingtaine de montagnards, qui connaissaient parfaitement le territoire sur lequel il s’agissait d’opérer.

Banks, si peu chasseur qu’il fût, me parut devoir suivre notre expédition avec le plus vif intérêt.

Pendant trois jours, les 24, 25 et 26 juillet, toute cette partie de la montagne fut fouillée, sans que nos recherches eussent amené aucun résultat, si ce n’est que deux autres tigres, auxquels on ne songeait guère, tombèrent encore sous la balle du capitaine.

« Quarante-cinq ! » se contenta de dire Hod, sans y ajouter autrement d’importance.

Enfin, le 27, la tigresse signala son apparition par un nouveau méfait. Un buffle, appartenant à notre hôte, disparut d’un pâturage voisin de Souari, et l’on n’en retrouva plus que les restes à un quart de mille du village. L’assassinat, — meurtre avec préméditation, eût dit un légiste, — s’était accompli un peu avant le lever du jour. L’assassin ne pouvait être loin.

Mais l’auteur principal du crime, était-ce bien cette tigresse, si inutilement recherchée jusqu’alors ?

Les Indous de Souari n’en doutèrent pas.

« C’est mon oncle, ce ne peut être que lui, qui a fait le coup ! » nous dit un des montagnards.

Mon oncle ! C’est ainsi que les Indous désignent généralement le tigre dans la plupart des territoires de la péninsule. Cela tient à ce qu’ils croient que chacun de leurs ancêtres est logé pour l’éternité dans le corps de l’un de ces membres de la famille des félins.

Cette fois, ils auraient pu plus justement dire : C’est ma tante !