Page:Verne - La Maison à vapeur, Hetzel, 1902.djvu/156

Cette page a été validée par deux contributeurs.
146
la maison à vapeur.

fracas de ces roulements accentués par de grands éclats de foudre, le cœur le plus ferme ne pouvait s’empêcher de battre plus rapidement.

« Et eux ! dit le colonel Munro.

– Eux !… oui !… eux ! » répondit Banks.

C’était horriblement inquiétant. Nous ne pouvions rien faire pour venir en aide au capitaine Hod et à ses compagnons, très sérieusement menacés.

En effet, s’ils avaient trouvé quelque abri, ce ne pouvait être que sous les arbres, et l’on sait, dans ces conditions, quels dangers on court pendant les orages. Au milieu de cette forêt si dense, comment auraient-ils pu se placer à cinq ou six mètres de la verticale qui passe par l’extrémité des plus longues branches, – ainsi que cela est recommandé aux personnes qui se trouvent surprises dans le voisinage des arbres ?

Toutes ces réflexions me venaient à l’esprit, lorsqu’un coup de tonnerre, plus sec que les autres, éclata soudain. Un intervalle d’une demi-seconde à peine l’avait séparé de l’éclair.

Steam-House en trembla et fut comme soulevée sur ses ressorts. Je crus que le train allait être culbuté. En même temps, une odeur forte emplit l’espace, – odeur pénétrante des vapeurs nitreuses, – et très certainement, l’eau de pluie, recueillie pendant cette tourmente, eût contenu une grande quantité d’acide nitrique.

« La foudre est tombée… dit Mac Neil.

– Storr ! Kâlouth ! Parazard ! » cria Banks.

Les trois hommes accoururent dans le salon. Par bonheur, aucun n’avait été frappé. L’ingénieur repoussa alors la porte de la vérandah, et s’avança sur le balcon.

« Là !… voyez !… » dit-il.

Un énorme banian venait d’être foudroyé, à dix pas, à la gauche de la route. Sous l’incessante lueur électrique, on y voyait alors comme en plein jour. L’immense tronc, que ses rejetons ne pouvaient plus soutenir, était tombé en travers sur les arbres voisins. Il était nettement décortiqué dans toute sa longueur, et une longue lanière d’écorce, que la rafale agitait comme un serpent, se tordait en cinglant l’air. Il fallait que la décortication se fût opérée de bas en haut, sous l’action d’un coup de foudre ascendant d’une extrême violence.