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le changement de mousson.

villes. De longues tresses de cheveux longs et soyeux, des lambeaux de robes, de petits souliers d’enfants, des jouets, jonchaient ce sol mouillé. Les murs, barbouillés de sang, portaient les traces de l’horrible agonie. Je ramassai un petit livre de prières, dont la première page portait ces touchantes inscriptions : « 27 juin, quitté les bateaux… 7 juillet, prisonniers du Nana… fatale journée. » Mais ce n’étaient point là les seules horreurs qui nous attendaient. Bien plus horrible encore était la vue du puits profond et étroit où étaient entassés les restes mutilés de ces tendres créatures !… »

Sir Edward Munro n’était pas là, aux premières heures où les soldats d’Havelock s’emparaient de la ville ! Il n’arriva que deux jours après l’odieuse immolation ! Et maintenant, il n’avait plus là devant les yeux que l’emplacement où s’ouvrait le funeste puits, tombeau sans nom des deux cents victimes de Nana Sahib !

Cette fois, Banks, aidé du sergent, parvint à l’entraîner de force.

Le colonel Munro ne devait jamais oublier ces deux mots que l’un des soldats d’Havelock avait tracés avec sa baïonnette sur la margelle du puits :

« Remember Cawnpore !

« Souviens-toi de Cawnpore. »


CHAPITRE XI

le changement de mousson


À onze heures, nous étions de retour au campement, ayant, on le comprend, la plus grande hâte de quitter Cawnpore ; mais quelques réparations à faire à la pompe d’alimentation de la machine ne permettaient pas de partir avant le lendemain matin.

Il me restait donc une demi-journée. Je ne crus pas pouvoir mieux l’employer qu’à visiter Lucknow. L’intention de Banks était de ne point passer par cette ville, dans laquelle le colonel Munro se serait retrouvé sur l’un des principaux théâtres de la guerre. Il avait raison ! C’étaient encore là des souvenirs trop poignants pour lui.