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LA JANGADA

de son poncho se rougit de sang. Mais il riposta vivement et blessa légèrement Torrès à la main.

Divers coups furent alors échangés sans qu’aucun fût décisif. Le regard de Benito, toujours silencieux, plongeait dans les yeux de Torrès, comme une lame qui s’enfonce jusqu’au cœur. Visiblement, le misérable commençait à se démonter. Il recula donc peu à peu, poussé par cet implacable justicier, qui était plus décidé à prendre la vie du dénonciateur de son père qu’à défendre la sienne. Frapper, c’était tout ce que voulait Benito, lorsque l’autre ne cherchait déjà plus qu’à parer ses coups.

Bientôt Torrès se vit acculé à la lisière même de la berge, en un endroit où, légèrement évidée, elle surplombait le fleuve. Il comprit le danger, il voulut reprendre l’offensive et regagner le terrain perdu… Son trouble s’accroissait, son regard livide s’éteignait sous ses paupières… Il dut enfin se courber sous le bras qui le menaçait.

« Meurs donc ! » cria Benito.

Le coup fut porté en pleine poitrine, mais la pointe de la manchetta s’émoussa sur un corps dur, caché sous le poncho de Torrès.

Benito redoubla son attaque. Torrès, dont la riposte n’avait pas atteint son adversaire, se sentit perdu, il fut encore obligé de reculer. Alors il voulut