Page:Verne - La Jangada, 1881, t2.djvu/194

Cette page a été validée par deux contributeurs.

187
LA DERNIÈRE NUIT.

à l’autre ! Si vous croyez que la justice des hommes reviendra sur un jugement inique, si vous pensez qu’elle réhabilitera celui qu’elle a condamné il y a vingt ans, vous vous trompez ! Il n’y a plus d’espoir ! Il faut fuir !… Fuyez ! »

Par un mouvement irrésistible, Benito avait saisi son père, et il l’entraîna vers la fenêtre.

Joam Dacosta se dégagea de l’étreinte de son fils, et recula une seconde fois.

« Fuir ! répondit-il, du ton d’un homme dont la résolution est inébranlable, mais c’est me déshonorer et vous déshonorer avec moi ! Ce serait comme un aveu de ma culpabilité ! Puisque je suis librement venu me remettre à la disposition des juges de mon pays, je dois attendre leur décision, quelle qu’elle soit, et je l’attendrai !

— Mais les présomptions sur lesquelles vous vous appuyez ne peuvent suffire, reprit Manoel, et la preuve matérielle de votre innocence nous manque jusqu’ici ! Si nous vous répétons qu’il faut fuir, c’est que le juge Jarriquez lui-même nous l’a dit ! Vous n’avez plus maintenant que cette chance d’échapper à la mort !

— Je mourrai donc ! répondit Joam Dacosta d’une voix calme. Je mourrai en protestant contre le jugement qui me condamne ! Une première fois, quel-