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LA CHASSE AU MÉTÉORE

chose là-dessous. Tel fut le sentiment général, et les cours remontèrent sensiblement.

Il était trop tard. Le coup était fait. M. Robert Lecœur possédait alors plus de la moitié de la production aurifère du globe.

Pendant que ces événements s’accomplissaient à Paris, Zéphyrin Xirdal utilisait pour modifier sa machine les accessoires dont il avait eu soin de se munir au départ. À l’intérieur, il branchait des fils se croisant en circuits compliqués. À l’extérieur, il ajoutait des ampoules de formes singulières, au centre de deux nouveaux réflecteurs. À la date fixée, le 3 septembre, tout était terminé, et Zéphyrin Xirdal se déclara prêt à l’action.

La présence de son parrain lui assurait exceptionnellement un auditoire véritable. C’était une occasion unique d’exercer ses talents oratoires. Il ne la laissa pas passer.

« Ma machine, dit-il en fermant le circuit électrique, n’a rien de mystérieux ni de diabolique. Ce n’est pas autre chose qu’un organe de transformation. Elle reçoit de l’électricité sous sa forme ordinaire et la rend sous une forme supérieure découverte par moi. Cette ampoule que vous voyez là et qui commence à tourner comme une petite folle, est celle qui m’a servi à attirer le bolide. Avec l’aide du réflecteur au centre duquel elle est située, elle envoie dans l’espace un courant d’une nature particulière, décoré par moi du nom de courant neutre hélicoïdal. Ainsi que son nom l’indique, il se meut à la façon d’une hélice. D’autre part, il a la propriété de repousser avec violence tout corps matériel venu à son contact. L’ensemble de ses spires constitue un cylindre creux, d’où l’air, comme toute autre matière, est chassé, si bien que, dans l’intérieur de ce cylindre, il n’y a rien. Comprenez-vous bien, mon oncle, la valeur de ce mot : rien ? Vous dites-vous que, partout dans l’infini de l’espace, il y a quelque chose, et que mon cylindre invisible qui se visse dans l’atmosphère est, pendant un instant, le seul point de l’univers où il n’y ait RIEN ? Instant très court, plus court que la durée de l’éclair. Cet endroit unique où règne le vide absolu, c’est un exutoire par lequel s’échappe en vagues pressées l’indestructible énergie que le globe terrestre retient prisonnière et condensée dans les lourdes mailles de la substance. Mon rôle s’est donc borné à supprimer un obstacle. »