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LA CHASSE AU MÉTÉORE

— Oui, Kate, et vous vivriez cent ans, que vous n’auriez pas le temps de compter un milliard, fût-ce en y consacrant dix heures tous les jours.

— Est-il possible, monsieur !…

— C’est même certain. »

La servante demeura comme anéantie à cette pensée qu’un siècle ne suffirait pas à compter un milliard !… Puis, elle reprit son balai, son plumeau, et se remit à l’ouvrage. Mais, de minute en minute, elle s’arrêtait, comme plongée dans ses réflexions.

« Combien ça ferait-il pour chacun, monsieur ?

— Quoi, Kate ?

— Le bolide, monsieur, si on le partageait également entre tout le monde ?

— C’est à calculer, Kate », répondit Mr John Proth.

Le juge prit du papier et un crayon.

« En admettant, dit-il, tout en chiffrant, que la terre ait quinze cents millions d’habitants, cela ferait… cela ferait trois mille huit cent cinquante-neuf francs vingt centimes par tête.

— Pas davantage ?… murmura Kate désappointée.

— Pas davantage », affirma Mr John Proth, tandis que Kate regardait le ciel d’un air rêveur.

Quand elle consentit à redescendre sur la terre, elle aperçut, à l’entrée d’Exeter street, un groupe de deux personnes, sur lequel elle attira l’attention de son maître.

« Voyez donc, monsieur… dit-elle, les deux dames qui attendent là.

— Oui, Kate, je les vois.

— Regardez l’une d’elles… la plus grande… celle qui trépigne d’impatience.

— Elle trépigne, en effet, Kate. Mais, quelle est cette dame, je ne sais.

— Eh ! monsieur, c’est celle qui est venue se marier devant nous, il y a plus de deux mois, sans descendre de cheval.

— Miss Arcadia Walker ? demanda John Proth.

— Mrs Stanfort, maintenant.

— C’est bien elle, en effet, reconnut le juge.

— Que vient faire ici cette dame ?

— Je l’ignore totalement, répondit Mr Proth, et j’ajoute que je ne donnerais pas un farthing pour le savoir.