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LA CHASSE AU MÉTÉORE

« Comme ça, du moins, on a du choix, approuva-t-il. Mais, dis-moi, mon cher Zéphyrin, ne serais-tu pas un peu… timbré, par hasard ? À quoi rime tout cela, je te prie ?

— J’ai une affaire en vue, déclara Zéphyrin Xirdal, tandis que son front se plissait sous l’effort de la réflexion.

— Une affaire !… » s’exclama M. Lecœur, au comble de l’étonnement.

Que ce loufoque songeât aux affaires, il y avait, en effet, de quoi confondre.

« Oui, affirma Zéphyrin Xirdal.

— Importante ?

— Peuh !… fit Zéphyrin Xirdal. Cinq à six mille milliards de francs. »

Cette fois, ce fut avec inquiétude que M. Lecœur considéra son filleul. Si celui-ci ne raillait pas, il était fou, fou à lier.

« Tu dis ?… interrogea-t-il.

— Cinq à six mille milliards de francs, répéta Zéphyrin Xirdal d’une voix tranquille.

— Es-tu dans ton bon sens, Zéphyrin ? insista M. Lecœur. Sais-tu qu’il n’y aurait pas assez d’or sur la terre pour faire la centième partie de cette somme fabuleuse ?

— Sur terre, possible, dit Xirdal. Ailleurs, c’est autre chose.

— Ailleurs ?…

— Oui. À quatre cents kilomètres d’ici selon la verticale. »

Un éclair traversa l’esprit du banquier. Renseigné, comme toute la terre, par les journaux, qui, pendant si longtemps, avaient ressassé le même sujet, il crut avoir compris. Il avait compris, en effet.

« Le bolide ?… balbutia-t-il, en pâlissant légèrement malgré lui.

— Le bolide », approuva Xirdal paisiblement.

Que tout autre que son filleul lui eût tenu un tel langage, nul doute que M. Lecœur ne l’eût fait jeter incontinent à la porte. Les instants d’un banquier sont trop précieux pour qu’il soit permis de les gâcher à écouter des insensés. Mais Zéphyrin Xirdal n’était pas tout le monde. Que son crâne eût une fêlure de forte taille, ce n’était, hélas ! que trop certain, mais ce crâne fêlé n’en contenait pas moins un cerveau de génie, pour lequel rien n’était impossible a priori.