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LA CHASSE AU MÉTÉORE

Vingt minutes lui suffirent pour atteindre la rue Drouot et la banque Lecœur.

« Mon oncle est là ? demanda-t-il au garçon de bureau qui se levait à son approche.

— Oui, monsieur Xirdal.

— Seul ?

— Seul. »

Zéphyrin Xirdal poussa la porte matelassée et pénétra dans le cabinet du banquier.

« Tiens !… c’est toi ? demanda machinalement M. Lecœur, en voyant apparaître son pseudo-neveu.

— Puisque me voilà en chair et en os, répondit Zéphyrin Xirdal, j’oserai prétendre que la question est oiseuse et qu’une réponse serait superfétatoire. »

M. Lecœur, habitué aux singularités de son filleul, qu’il considérait avec raison comme un être déséquilibré, mais, par certains côtés, génial, se mit à rire de bon cœur.

« En effet ! reconnut-il, mais répondre tout bonnement : oui aurait été plus court. Et le but de ta visite, ai-je le droit de le demander ?

— Vous l’avez, car…

— Inutile ! interrompit M. Lecœur. Ma seconde question est aussi superflue que la première, l’expérience m’ayant prouvé que je te vois seulement lorsque tu as besoin d’argent.

— Eh ! objecta Zéphyrin Xirdal, n’êtes-vous pas mon banquier ?

— Il est vrai, accorda M. Lecœur, mais toi, tu es un bien singulier client ! Me permettras-tu, à ce propos, de te donner un conseil ?

— Si ça peut vous être agréable !

— Ce conseil, c’est d’être un peu moins économe. Que diable, mon cher ami, que fais-tu de ta jeunesse ? As-tu seulement idée de l’état de ton compte chez moi ?

— Pas la moindre.

— Il est monstrueux, ton compte, tout simplement. Eh quoi ! tes parents t’ont laissé plus de quinze mille francs de rente, et tu n’arrives pas à en dépenser quatre mille !

— Bah !… fit Xirdal, en paraissant fort surpris de cette remarque, qu’il entendait, au bas mot, pour la vingtième fois.