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LA CHASSE AU MÉTÉORE

Or, comme il s’arrêtait là une fois de plus, voici que la porte s’ouvrit toute grande, et qu’un homme se montra sur le palier du petit perron donnant accès au trottoir.

À peine l’étranger eut-il aperçu cet homme :

« Mr John Proth, je suppose ?… dit-il en soulevant son chapeau.

— Lui-même, répondit le juge.

— Une simple question qui n’exigera qu’un oui ou un non de votre part.

— Faites, monsieur.

— Quelqu’un serait-il déjà venu, ce matin, vous demander Mr Seth Stanfort ?

— Pas que je sache.

— Merci. »

Ce mot prononcé, son chapeau soulevé une seconde fois, le cavalier rendit la main et remonta au petit trot Exeter street.

Maintenant — ce fut l’avis général — il n’y avait plus à douter que cet inconnu eût affaire à Mr John Proth. À la manière dont il venait de formuler sa question, il était lui-même Seth Stanfort, présent le premier à un rendez-vous convenu. Mais un autre problème tout aussi palpitant se posait. L’heure dudit rendez-vous était-elle passée, et le cavalier inconnu allait-il quitter la ville pour n’y plus revenir ?

On le croira sans difficulté, puisque nous sommes en Amérique, c’est-à-dire chez le peuple le plus parieur qui soit en ce bas monde, des paris s’établirent touchant le retour prochain ou le départ définitif de l’étranger. Quelques enjeux d’un demi-dollar, ou même de cinq ou six cents, entre le personnel des hôtels et les curieux arrêtés sur la place, pas davantage, mais enfin enjeux qui seraient bel et bien payés par les perdants, et encaissés par les gagnants, tous gens des plus honorables.

Quant au juge John Proth, il s’était borné à suivre des yeux le cavalier qui remontait vers le faubourg de Wilcox. C’était un philosophe, le juge John Proth, un sage magistrat, qui ne comptait pas moins de cinquante ans de sagesse et de philosophie, bien qu’il ne fût âgé que d’un demi-siècle, — façon de dire qu’en venant au monde, il était déjà philosophe et sage. Ajoutez à cela que, en sa qualité de célibataire, — preuve incontestable de sagesse, — il n’avait jamais eu sa vie troublée par aucun souci, ce qui, on en conviendra, facilite grandement la pratique de la