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L’AVISO SANTA-FÉ.

En effet, pour échapper au pressant danger qui le menaçait, il n’avait plus que ce parti à prendre : débarquer, en ne laissant qu’un petit nombre d’hommes à bord de la goélette, courir vers l’enceinte, pénétrer dans l’annexe, gravir l’escalier de la tour, atteindre la chambre de quart, se jeter sur ce gardien, sur ses compagnons, s’il en avait, se débarrasser d’eux et éteindre le phare. Si l’aviso s’était mis en marche pour donner dans la baie, il s’arrêterait assurément… S’il s’y trouvait déjà, il essaierait d’en sortir, n’ayant plus de feu pour le guider jusqu’à la crique. Au pis aller, il mouillerait en attendant le jour.

Kongre fit amener le canot. Carcante et douze des hommes y prirent place avec lui, armés de fusils, de revolvers, de coutelas. En une minute ils eurent accosté la rive, et se précipitèrent vers l’enceinte, dont ils n’étaient éloignés que d’un mille et demi.

Ce trajet fut fait en un quart d’heure. Ils ne s’étaient point séparés les uns des autres. Toute la bande, moins les deux hommes laissés à bord, se trouvait réunie au pied du terre-plein.

Oui… John Davis et Vasquez étaient là. Au pas de course, sans prendre aucune précaution, puisqu’ils savaient bien qu’ils ne pourraient rencontrer personne, ils avaient gravi le tertre et pénétré dans l’enceinte. Ce que voulait Vasquez, c’était rallumer le phare, afin que l’aviso pût gagner la crique sans attendre le jour. Ce qu’il craignait — et quelles craintes le dévoraient ! — c’était que Kongre eût détruit des lentilles, brisé les lampes et que l’appareil ne fût plus en état de fonctionner. Alors la goélette, selon toute probabilité, s’enfuirait sans avoir été aperçue du Santa-Fé.

Tous deux s’élancèrent vers le logement, s’introduisirent dans le couloir, poussèrent la porte de l’escalier qu’ils refermèrent derrière eux et dont ils assujettirent tous les verrous, gravirent les marches, et atteignirent la chambre de quart…

La lanterne était en bon état, les lampes à leur place, encore munies de mèches et pourvues d’huile depuis le jour où on les