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L’AVISO SANTA-FÉ.

l’avant. Mais, faute de vitesse, la goélette ne parvint pas à lofer, et continua à dériver vers la côte.

Kongre comprit le danger. Un seul moyen lui restait. Il l’employa. Le canot fut amené, six hommes y descendirent avec une aussière, et, à force d’avirons, ils parvinrent à faire évoluer la goélette, qui prit les amures à tribord. Un quart d’heure après, elle put reprendre sa direction première sans crainte d’être jetée sur les récifs du sud.

Malheureusement, on ne sentait plus un souffle de vent ; les voiles battaient contre les mâts. Le canot aurait en vain essayé de remorquer le Carcante jusqu’à l’entrée de la baie. Tout ce qu’il aurait pu faire, c’eût été d’étaler le flot, qui commençait à se faire sentir. Quant à le remonter, il n’y fallait pas songer. Kongre allait-il être obligé de mouiller à cette place, à moins de deux milles de la crique ?

Après l’appareillage, John Davis et Vasquez s’étaient relevés, et, descendus presque jusqu’à la mer, ils avaient suivi les mouvements de la goélette. La brise étant complètement tombée, ils comprirent que Kongre serait forcé de s’arrêter et d’attendre le prochain jusant. Mais il aurait toujours le temps, avant le retour de l’aube, d’atteindre l’entrée de la baie, et il lui restait de grandes chances de partir sans être aperçu.

« Non ! nous le tenons ! s’écria tout à coup Vasquez.

— Et comment ? demanda John Davis.

— Venez… Venez ! »

Vasquez entraîna rapidement son compagnon dans la direction du phare.

À son avis, le Santa-Fé devait croiser devant l’île. Il pouvait même en être très rapproché, ce qui, après tout, ne présentait pas un bien grand danger avec cette mer calme. Nul doute que le commandant Lafayate, très surpris de l’extinction du phare, ne fût là sous petite vapeur, en attendant le lever du soleil.

C’est bien aussi ce que pensait Kongre ; mais celui-ci se disait