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PENDANT TROIS JOURS.

du haut du phare, ils n’auraient pas été visibles, au milieu des roches avec lesquelles ils se confondaient.

La goélette était là, flottant dans la crique, ses mâts et ses vergues parés, ses agrès en bon état. L’équipage était occupé à remettre dans la cale la partie de la cargaison qui avait dû être déposée sur le pont pendant les réparations. Le canot traînait au bout de sa bosse à l’arrière, et, puisqu’il n’était plus contre le flanc de bâbord, c’est que le travail avait pris fin, c’est que les trous de boulets étaient bouchés.

« Ils sont prêts, murmura John Davis, en comprimant sa colère sur le point d’éclater.

— Qui sait s’ils ne vont pas appareiller avant la marée, dans deux ou trois heures d’ici ?

— Et ne pouvoir rien… rien ! » répétait John Davis.

En effet, le charpentier Vargas avait tenu parole. La besogne avait été rapidement et convenablement exécutée. Il ne restait plus trace de l’avarie. Ces deux jours avaient suffi. La cargaison remise en place, les panneaux fermés, le Carcante allait être en état de repartir.

Cependant, le temps s’écoula ; le soleil s’abaissa, disparut ; la nuit se fit, sans que rien permît de croire à un prochain appareillage de la goélette. De leur abri, Vasquez et John Davis écoutaient les bruits qui montaient jusqu’à eux de la baie. C’étaient des rires, des cris, des jurons, le grincement des colis traînés sur le pont. Vers dix heures, ils entendirent nettement le bruit d’un panneau qu’on fermait. Puis, ce fut le silence.

Davis et Vasquez attendirent, le cœur serré. Sans doute, le travail terminé, c’était le moment du départ… Non, la goélette se balançait toujours au fond de la crique, l’ancre toujours au fond, les voiles toujours sur leurs cargues.

Une heure passa. Le second du Century saisit la main de Vasquez :

« La marée renverse, dit-il. Voici le flot.