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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

ils eurent grand’peine à traîner le canon jusque-là. Il fallut le tirer sur le sable de la grève, et puis traverser un espace hérissé de têtes de rocs, où le traînage n’était plus possible. D’où nécessité de soulever la pièce avec des leviers, ce qui exigea du temps et de la fatigue.

Il était près de six heures, lorsque la caronade fut placée sur son affût de manière à pouvoir être pointée sur l’entrée de la baie.

John Davis procéda alors au chargement et introduisit une forte gargousse, qui fut enfoncée avec une bourre de varechs secs, par-dessus laquelle fut placé le boulet. La lumière de la pièce fut ensuite amorcée. Il n’y avait plus qu’à y mettre le feu au moment voulu.

John Davis dit alors à Vasquez :

« J’ai bien réfléchi à ce qu’il convient de faire. Ce qu’il faut, ce n’est point couler la goélette. Tous ces coquins gagneraient la rive, et nous ne pourrions peut-être pas leur échapper. L’essentiel, c’est que leur goélette soit forcée de retourner au mouillage, et d’y rester quelque temps pour réparer ses avaries.

— Sans doute, fit observer Vasquez, mais un trou de boulet peut être bouché en une matinée.

— Non, répondit John Davis, puisqu’ils seront obligés de déplacer la cargaison. J’estime que cela durera quarante-huit heures, au moins, et nous sommes déjà au 28 février.

— Et si l’aviso n’arrive que dans une semaine, objecta Vasquez. Ne vaudrait-il pas mieux tirer sur la mâture que sur la coque ?

— Évidemment, Vasquez, une fois désemparée de son mât de misaine ou de son grand mât — et je ne vois guère comment on pourrait les remplacer — la goélette serait retenue pour longtemps. Mais atteindre un mât est plus difficile que d’atteindre une coque, et il faut que nos projectiles portent à coup sûr.

— Oui, répondit Vasquez, d’autant plus que, si ces misérables