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XIII

PENDANT TROIS JOURS.

À quel degré d’exaspération étaient parvenus Kongre, Carcante et les autres, on l’imaginera sans peine. Au moment même où ils allaient définitivement quitter l’île, un dernier obstacle les avait arrêtés !… Et, dans quatre ou cinq jours, moins peut-être, l’aviso pouvait se présenter à l’ouvert de la baie d’Elgor !… Assurément, si les avaries de la goélette avaient été moins graves, Kongre n’eût pas hésité à prendre un autre mouillage. Il serait allé, par exemple, se réfugier dans le havre Saint-Jean, qui, au revers même du cap, se creuse profondément dans la côte septentrionale de l’île. Mais, dans l’état actuel du bâtiment, c’eût été folie que de vouloir entreprendre une telle traversée. On aurait été par le fond avant d’arriver à la hauteur de la pointe. Dans la partie du parcours qu’on eût été contraint de faire vent arrière, la goélette n’aurait pas tardé à remplir en roulant d’un bord sur l’autre. À tout le moins, sa cargaison aurait été irrémédiablement perdue.

Le retour à la crique du phare s’imposait donc, et Kongre avait sagement fait de s’y résigner.

Pendant cette nuit, où l’on ne dormit guère à bord, les hommes durent faire le quart et s’astreindre à une surveillance de tous les instants. Savait-on si une nouvelle attaque ne se produirait pas ?… Savait-on si une troupe nombreuse, supérieure à la bande de Kongre, n’avait pas récemment débarqué sur quelque autre point de l’île ?… Savait-on si la présence de cette bande de pirates