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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

Cette journée, Vasquez et John Davis la passèrent en partie sur le littoral. La modification de l’état atmosphérique s’accentuait. Le vent paraissait fixé dans le nord-nord-est, et un bâtiment n’eût pas tardé à larguer les ris de sa misaine et de ses huniers pour donner dans le détroit de Lemaire.

Le soir arrivé, Vasquez et John Davis rentrèrent dans la grotte ; ils apaisèrent leur faim avec le biscuit et le corn-beef, leur soif, avec de l’eau mêlée de brandy. Puis, Vasquez se disposait à s’envelopper de sa couverture, lorsque son compagnon l’arrêta.

« Avant de vous endormir, Vasquez, écoutez donc une proposition que j’ai à vous faire.

— Parlez, Davis.

— Vasquez, je vous dois la vie, et je ne voudrais rien faire qui n’eût votre approbation… Voici une idée que je vous soumets. Examinez-la, et répondez ensuite sans crainte de me désobliger.

— Je vous écoute, Davis.

— Le temps change, la tempête est finie, la mer va redevenir calme. Je m’attends à ce que la goélette appareille dans quarante-huit heures au plus.

— Ce n’est malheureusement que trop probable ! » répliqua Vasquez en complétant sa pensée d’un geste qui signifiait : « Nous n’y pouvons rien ! »

John Davis reprit :

« Oui, avant deux jours, elle se montrera au bas de la baie, elle sortira, elle doublera le cap, elle disparaîtra dans l’ouest, elle descendra le détroit, on ne la verra plus, et vos camarades, Vasquez, et mon capitaine, mes compagnons du Century ne seront pas vengés !… »

Vasquez avait baissé la tête ; puis, la relevant, il regarda John Davis dont la figure s’éclairait des dernières lueurs du foyer.