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LES PILLEURS D’ÉPAVES.

au nord-nord-est. Des éclaircies, rares d’abord, puis plus vastes, dégagèrent l’horizon du sud. La pluie cessa, et, si le vent soufflait toujours avec violence, le ciel s’éclaircissait par degrés. La mer, il est vrai, restait démontée, et les lames déferlaient rageusement sur le littoral. Aussi l’entrée de la baie ne redevenait-elle point praticable, et, bien certainement, la goélette ne pourrait se mettre en route ni ce jour-là ni le lendemain.

Kongre et Carcante profiteraient-ils de cette légère accalmie pour revenir au cap San Juan, afin d’observer l’état de la mer. C’était possible, c’était probable même, et les mesures de prudence ne furent pas négligées.

De grand matin, cependant, leur arrivée n’était point à craindre. Aussi John Davis et Vasquez se hasardèrent-ils hors de la grotte, qu’ils n’avaient pas quittée depuis quarante-huit heures.

« Le vent tiendra-t-il là ? interrogea Vasquez.

— Je le crains, répondit John Davis, que son instinct de marin ne trompait guère. Il nous aurait fallu encore dix jours de mauvais temps… dix jours !… et nous ne les aurons pas. »

Les bras croisés, il regardait le ciel, il regardait la mer.

Cependant, Vasquez s’étant éloigné de quelques pas, il le suivit en longeant la falaise.

Soudain, son pied heurta un objet à demi enfoncé dans le sable, près d’une roche, et qui rendit au choc un son métallique. Il se baissa et reconnut la caisse qui renfermait la provision de poudre du bord, tant pour les mousquets que pour les deux caronades de quatre que le Century employait à ses signaux.

« Nous n’en avons que faire, dit-il. Ah ! s’il était possible de l’allumer dans la cale de la goélette qui porte ces bandits !

— Il n’y faut pas penser, répondit Vasquez en secouant la tête. N’importe, je prendrai cette caisse en revenant, et je la mettrai à l’abri dans la grotte. »

Ils continuèrent à descendre la grève et se dirigeaient vers le cap dont ils ne pourraient d’ailleurs atteindre l’extrême pointe,