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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

— Mais le phare ?

— Il n’était pas allumé ! »

John Davis, dont la figure exprimait la plus profonde surprise, attendait que Vasquez s’expliquât, lorsque celui-ci, se relevant soudain, prêta l’oreille. Il avait cru entendre des bruits suspects, et voulait s’assurer si la bande ne rôdait pas aux environs.

Il se glissa donc à travers l’entre-deux des roches, et promena son regard sur le littoral jusqu’à la pointe du cap San Juan.

Tout était désert. L’ouragan ne perdait rien de sa force. Les lames y déferlaient toujours avec une prodigieuse violence, et des nuages plus menaçants encore chassaient à l’horizon, encrassé de brumes.

Le bruit entendu par Vasquez provenait de la dislocation du Century. Sous l’effort du vent, l’arrière de la carcasse s’était retourné, et la rafale, pénétrant à l’intérieur, la poussait plus avant sur la grève. Elle y roulait comme un énorme tonneau défoncé, et finit par s’écraser définitivement contre l’angle de la falaise. Sur le lieu de l’échouage, couvert de mille épaves, il ne restait plus que l’autre moitié du trois-mâts.

Vasquez rentra donc et s’étendit sur le sable près de John Davis. Les forces revenaient au second du Century. Il aurait pu se lever, et, appuyé au bras de son compagnon, descendre sur la grève. Mais celui-ci le retint, et c’est alors que John Davis lui demanda pourquoi, cette nuit-là, le phare n’avait pas été allumé.

Vasquez le mit au courant des faits abominables qui s’étaient passés sept semaines auparavant à la baie d’Elgor. Après le départ de l’aviso Santa-Fé, rien, pendant deux semaines environ, n’avait d’abord entravé le service du phare, confié à lui, Vasquez, et à ses deux camarades, Felipe et Moriz. Plusieurs bâtiments arrivèrent, durant cette période, en vue de l’île, et firent des signaux qui leur furent régulièrement rendus.

Mais, le 26 décembre, une goélette s’était présentée vers huit heures du soir à l’entrée de la baie. De la chambre de quart, où