Page:Verne - L’Invasion de la mer - Le Phare du bout du monde, Hetzel, 1905.djvu/398

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
126
LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

— Le capitaine du trois-mâts ?

— Non… le second !… Et les autres ?

— Tous ont péri, répondit Vasquez, tous. Vous êtes le seul échappé du naufrage !

— Tous ?…

— Tous ! »

John Davis fut comme atterré de ce qu’il venait d’apprendre. Lui seul survivant ! Et à quoi tenait-il qu’il eût survécu ! Il le comprit, il devait la vie à cet inconnu penché sur lui avec sollicitude.

« Merci, merci !… dit-il, tandis qu’une grosse larme coulait de ses yeux.

— Avez-vous faim ?… Voulez-vous manger ?… un peu de biscuit et de viande ? reprit Vasquez.

— Non… non… à boire encore ! »

L’eau fraîche, mélangée de brandy, fit grand bien à John Davis, car il put bientôt répondre à toutes les questions.

Voici, en peu de mots, ce qu’il raconta :

Le Century, trois-mâts à voiles de cinq cent cinquante tonneaux, du port de Mobile, avait quitté, vingt jours auparavant, la côte américaine. Son équipage comprenait : le capitaine Harry Steward ; le second, John Davis, et douze hommes, compris un mousse et un maître-coq. Il était chargé de nickel et d’objets de pacotille pour Melbourne, Australie. Sa navigation fut heureuse jusqu’au cinquante-cinquième degré de latitude sud dans l’Atlantique. Survint alors la violente tempête qui troublait ces parages depuis la veille. Dès son début, le Century, surpris par le premier grain, perdit, avec son mât d’artimon, toute la voilure d’arrière. Peu après, une lame énorme, embarquant par la joue de bâbord, balaya le pont, démolit en partie la dunette, et emporta deux matelots qu’on ne put sauver.

L’intention du capitaine Steward avait été de chercher un abri derrière l’Île des États, dans le détroit de Lemaire. Il se